1740 -----------> 1807 ..........Au XVIIIème siècle la ville commence à rejoindre les ruines du Palais Gallien longtemps isolées au milieu des vignes (J). Illustration J : Bordeaux en 1733, d'après le plan de Lattré ..........Après avoir supprimé en 1744 la porte St Germain, vestige de l'enceinte fortifiée du Bordeaux moyenâgeux (de là partait le Chemin du Médoc - future rue Fondaudège - qui passait au pied des ruines de l'amphithéâtre), l'Intendant Tourny relie le faubourg des Chartrons au faubourg St Seurin en aménageant de 1746 à 1756 la propriété du Pradets qui devient le Jardin Royal (L). ..........La porte St Germain démolie, remplacée par une grille aux piliers sculptés et ornés, devient en 1748 la Place Tourny. ..........La prospérité bordelaise liée au commerce colonial durant la deuxième moitié du XVIIIème siècle va entraîner la spéculation foncière sur les terres viticoles de St Seurin et autour du nouveau jardin Royal; la création de lotissements, l'ouverture de rues nouvelles activent la ruine du Palais Gallien, les rues empiétant sur son périmètre. Pendant des années les matériaux venant du démantèlement de l'amphithéâtre serviront à la construction des maisons proches...........Les restes du monument du Bas-Empire romain sont devenus gênants pour l'urbanisation du quartier Salpétrière- Palais Gallien (K),(M) IllustrationK : Ruines de l'amphithéâtre en 1710 par Alix vues du côté du chemin de la Trésorerie. Photographie archives municipales de Bordeaux XIX-O/17
Illustration L : Bordeaux sous Louis XVI indiquant l'état de la ville après les grands travaux des Intendants ..........L'examen des Registres des Délibérations du Bureau Municipal de Bordeaux pendant la période révolutionnaire, les arrêtés du Bureau des Exécutions, les correspondances de la Municipalité au District et à la Convention Nationale permettent de suivre les modifications subies intra et extra muros par l'amphithéâtre, en liaison avec l'extension de l'urbanisation du quartier. ..........Devenu Bien National en 1791, le Palais Gallien, dont environ un tiers du monument reste encore sur pied, peut désormais être vendu par la Ville pour rembourser ses dettes (Loi d'Août 1791). ..........Lieu de campement des troupes révolutionnaires, l'emplacement des ruines devient ensuite un des dépôts d'ordures de la cité ; "L'INVENTAIRE SOMMAIRE DE LA PERIODE REVOLUTIONNAIRE" indique par l'arrêté du 13.9.1790 "l'enregistrement des qualifications et proclamats pour l'enlèvement des boues et bourriers .. indépendamment des dépôts de bourriers établis dans l'enclos du Palais Gallien, de la Porte de la Grave et à l'entrée des Chartrons . " et précise que "le sieur Joseph Maubrac, adjudicataire des boues et bourriers de la Ville, est autorisé à faire construire, dans l'enclos du Palais Gallien deux granges ou écuries nécessaires pour l'exploitation de son bail" (arrêté du 11.8.1791). Illustration M : Ruines de l'amphithéâtre au milieudu XVIIIème siècle d'après d'Aubigny ..........La même année la Municipalité révolutionnaire envisage de transformer l'espace du Palais Gallien en cimetière, mais les Ingénieurs de la Ville et de la voirie Bonfin et Lhote considèrent que ce champ mortuaire "serait trop petit et trop voisin des beaux quartiers" (Un arrêté du Directoire du Département décidera à ce moment-là la suppression de tous les anciens cimetières de Bordeaux et la création du cimetière général de la Chartreuse). ..........Les transformations commencent alors à affecter les constructions sauvages établies à l'intérieur et sur le pourtour de l'enclos des ruines, masures visibles sur les peintures (d'A.Gonzalès) (O) et les gravures de l'époque. ..........En 1792 la Municipalité de Bordeaux, confrontée à de sérieuses difficultés financières envisage la destruction des ruines et met en vente le 15.2.1793 le terrain de l'amphithéâtre divisé en 35 emplacements (R) ; la vente aux enchères (elle durera jusqu'en 1811) ne suscitera aucun engouement chez les premiers acheteurs (mauvaise réputation du quartier ?) ..........L'histoire du lotissement du Palais Gallien et de ses alentours témoigne aussi d'une prise de conscience de la valeur culturelle du patrimoine ancien: en moins de deux décennies l'idée de sauvegarde du monument antique finira par l'emporter sur l'acharnement destructeur des hommes, non sans difficultés. Illustration N : le Palais Galien par Bimard de La Bastie vers 1737 .Plume et lavis .Dépôt S.A.V. inv.89 28
..........Une lettre des Administrateurs du Directoire du District en date du 23.2.1793 annonce à la Municipalité "qu'ils viennent d'être instruits qu'elle doit procéder, cet après-midi, à la vente des emplacements du Palais Gallien"; comme le Directoire du District envisage pour le quartier Salpétrière-Palais Gallien (en bordure de la rue Fondaudège) un projet d'aménagement, les administrateurs prient la Municipalité de "suspendre cette vente et de leur donner connaissance du plan de la Ville "(op.cit.page 447) ..........Le citoyen Bonfin, Ingénieur-architecte, confirme par la suite au Directoire du District que le lotissement du Palais Gallien proposé par la Municipalité est "bien applicable au plan général du quartier" En conséquence la Municipalité "ne doit pas être plus longtemps retardée dans l'adjudication des ces immeubles " ( op.cit. ) Illustration O : le Palais Gallien en 1779. La porte du Levant . Gouache d'A. Gonzalès - Photographie A.M.Bx. XIX 0/67..........Désormais l'aménagement de l'enclos de l'amphithéâtre et de son pourtour va aller bon train: ..........Le 16 Fructidor An II la Municipalité propose au District l'ouverture de deux voies nouvelles de trente pieds de large sur le terrain du Palais Gallien, la Grande Rue du Colisée (dans l'axe des portes) et perpendiculairement la rue du petit Colisée (actuellement rue Sansas); pour le tracé de la première il faut démolir à la poudre la porte monumentale Est face à la rue du Palais Gallien (Correspondance de la Municipalité au District p 312) et percer les restes des murs des troisième et quatrième enceintes (P),R). Illustration P: Plan du Palais Gallien en 1793 figurant l'occupation immobilière de l'espace et situant les restes des ruines de l'amphitéâtre. Photo A.M.Bx. M5 ..........Le 1° Floréal An II une demande est faite au Conseil général de la Commune de Bordeaux pour "70 à 80 livres de poudre de mine par les entrepreneurs de démolition des ruines du Palais Gallien" (page 1571). Le 8 Frimaire An IV et le 13 Nivose An IV des correspondances entre la Municipalité et le Directoire du Département concernent "les acquéreurs des emplacements dans le local du Palais Gallien" et les "états détaillés des emplacements du Palais Gallien, au projet de ce local" (correspondance Municipalité/District p 337). ..........Les concessions d'emplacements sur les terrains des ruines (R) et l'adjudication des travaux de démolition des frontispices sont autorisés le 3 Floréal An IV ( Op.cit. p 152) (Q). Illustration Q: Archives Municipales de Bordeaux M5..........La Municipalité n'envisage aucune action de conservation des murs romains; sur les emplacements adjugés à la chandelle "les vestiges appartiennent aux acquéreurs" dont certains n'hésiteront pas à faire disparaître les " restes inutiles et peu solides de l'antique édifice .convaincus que le mauvais goût avait présidé à la construction du cirque Gallien .. " !! ..........La porte Ouest ne sera pas démolie en raison de sa mitoyenneté avec les constructions de la rue de la Trésorerie : "il est observé que dans le frontispice du côté du couchant le mur latéral est excepté de démolition"(Adjudication de la démolition des murs du Palais Galien du 3.9.1793 A.M.Bx M5) (Q). ..........Heureusement, dans les années qui suivent, intellectuels et artistes, sous l'influence du philosophe et historien de Volney, vont mettre à la mode le goût des Antiquités; le sauvetage, puis la restauration du patrimoine ancien vient à l'ordre du jour; la démolition des frontispices sera arrêtée dans le courant de l'An IV par l'action des Artistes de la Gironde qui vont s'efforcer de protéger les restes du dernier monument romain du Bas-Empire. Illustration R: Plan des 35 lots proposés à la vente du Palais Gallien en mars 1793. Photographie A.M.Bx. M5
..........Il ne reste plus alors des murs de l'amphithéâtre qu'un morceau de la troisième enceinte (entre la Grande rue du Colisée et la rue Planturable (future rue E.Fourcand) et quatre parties de la quatrième enceinte du côté de la rue Fondaudège; les pierres de la deuxième et de la cinquième enceintes ont depuis longtemps servi de matériaux de construction (P),(R) ..........Désormais le Préfet Thibaudeau, sous l'injonction du Ministre L.Bonaparte, va protéger définitivement les ruines par l'arrêté du 23 Vendémière An IX (17 Octobre 1800 ); il sauvera ainsi les restes de l'amphithéâtre, précisant " qu'en détruisant les monuments antiques d'un pays on se prive souvent des preuves les plus authentiques de son histoire ". Les autres vestiges du bas Empire romain, les Piliers de Tutelle, avaient été démolis en 1677 pour agrandir la forteresse du Château-Trompette. ..........En septembre 1804, le voyageur Hollandais Adriaan Van Der Willigen, qui visite Bordeaux, s'étonne que l'on n'ait pas encore isolé ces ruines "dont la démolition commencée a été fort heureusement arrêtée par le Gouvernement". (S) Illustration S: Le quartier de l'amphithéâtre en 1804. A.M.Bx XL A 73 Agrandissement..........L'arrêté préfectoral du 22.9.1807 interdit enfin sur les lotissements de l'amphithéâtre "d'y faire construction, reconstruction ou démolitions d'anciens murs" (A.M.Bx 72 M1); le Préfet peut désormais résilier les ventes d'emplacements, en indemnisant les propriétaires; les ruines sont alors dégagées et on projette d'aménager un square ouvert sur la rue de la Trésorerie.
IllustrationT: Le quartier de l'amphithéâtre en 1827. A.M.Bx. XL A 442. Agrandissement |