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1609  ----------->   1677

..........Au XVIIème siècle, le Palais Gallien, les dix huit colonnes des Piliers de Tutelle et les restes des murailles du Castrum (U) demeurent les trois derniers monuments témoins de la Pax romana; "il y a à Bordeaux trois choses, entre autres restes du vieil temps, le palais de Tutelle, le palais Galienne et les murs qui font un carré au milieu de la ville"(I)

..........On peut penser que le voyageur qui visitait Bordeaux dans les années 1650 avait lu la description de la ville donnée en 1616 par Zinzerling, et que Van Der Hem illustrera entre 1629 et 1640. L'étranger allait d'abord admirer, sur le lieu d'une auberge, les "colonnes si grosses et si hautes qu'elles surpassent les plus hauts édifice de la ville"(I), restes du temple des Dieux tutellaires édifié au IIème siècle (dit Piliers de Tutelle) ou nouveau forum sévérien ?

ih1.jpg (28884 octets)..........Le Temple sera rasé en 1677, ainsi que le quartier Tropeyte pour permettre l'extension de la forteresse royale "le château Trompette".

Illustration H : Porte sud du Palais Gallien vers 1640. Dessin à la plume lavée à l'encre de chine de H. Van Der Hem. Bibliothèque impériale de Vienne. Atlas Joan Blaeu.

 

..........Pour se rendre sur les ruines de l'amphithéâtre l'amateur de vestiges romains pouvait choisir entre deux itinéraires; le premier parcours quittait les fossats de Tropeyta (actuel Cours du Chapeau Rouge), empruntait la Rua de Burga (futures allées de Tourny) laissant à droite les prés marécageux du Prat (F) - aménagés le siècle suivant en place des Quinconces - et à gauche le couvent des Jacobins; il quittait les remparts entourant la ville par la porte St Germain édifiée avec la nouvelle enceinte de 1302 (emplacement actuel de la place Tourny); il lui restait alors deux cent cinquante toises (environ cinq cents mètres) pour atteindre les ruines de l'amphithéâtre.

..........Il parcourait le Camin de Soulac, antique voie romaine via medullica qui reliait Burdigala au Pagus Medulli, laissait à gauche la chapelle St Germain (au coin Nord-Est de l'actuelle place Ch.Gruet), traversait les ténements plantés de vignes autour de l'église, passait près de la source de l'Audège (Font d'Audeya) d'où partait l'esteil d'Audeyola descendant jusqu'au fleuve au travers des marais, en longeant les remparts de la ville (F). L'odeur des tanneries, installées au bord de l'esteil depuis le XVème siècle (certaines dans les moulins qui se dressaient au Moyen-Age le long du cours d'eau), accompagnait le visiteur jusqu'aux ruines toutes proches.

ii1.jpg (43575 octets)Illustration I : Bordeaux sous François Ier, d'après la cosmographie de Munster et Belleforest

S'ensuyt les lieux notables de la ville de Bourdeaax
ABCD, la première ville de Bourdeaux, quadrangle plus long que large. AH, l'Eglise Metropolitaine de Saint André. D la place deuant le palais. EFGD, première creüe de la ville.FKG, les Fossez.G porte des Salinières. I la place du Marché. NA,le chasteau du Ha, en langage du pays. O la porte DI Iau avec son bouleuard, autrement dicte de saint Seuerin. P le bourg & Eglise collégiale de saint Seuerin. Q les restes d'un Amphitheatre qu'on nomme le palais Galiene, S un ancien edifice, appellé le palais Tutele, quadrangle de huit colonnes de longueur, & six de largeur, desquelles y en a encore dix huict debout. TV, le Chasteau Trompette. X Les Chartreux. Le port en forme de croissant, dit Port de la Lune.

 

..........L'amphithéâtre se voit de loin, sur les côteaux du faubourg St Seurin, dressant ses hautes murailles à arcades et ses portes monumentales dans un paysage de vignes et de prairies; de larges brèches trouent les murs, près du chemin du Médoc et côté St Seurin, et la végétation s'accroche à la pierre: les treilles, qui grimpent le long des murs ruinés(G), attirent les chèvres et font donner au lieu païen le nom d'escante-Cabre; il sert depuis longtemps de réserve de matériaux que les riverains utilisent pour la construction de maisonnettes dont l'extension gagne petit à petit sur les ruines du "colisée". Comme C.Perrault dans sa relation du "voyage à Bordeaux" en 1669, notre voyageur remarque que "la première et la plus grande ceinture qui faisait le dehors [du monument] est toute abattue, et il ne reste que les fondements"(H).

..........Le second chemin pour le "pèlerin des ruines" sortait de la ville par la porte Dijeus et empruntait l'ancienne voie romaine qui conduisait au temps de la Pax Romana des thermes du mont Judaïque vers les arènes; en suivant la rua do Palay galian, le visiteur passait devant l'hôpital St Ladre (F) (emplacement actuel de l'ancienne grande Poste de Bordeaux) en face de la crotz de Lespina (limite de la Sauveté de St Seurin) et traversait ensuite les plantiers jusqu'à "l'immense ellipse éventrée".

..........En parcourant l'enclos des ruines, le voyageur cultivé pouvait comparer leur état aux représentations et descriptions qu'en donnaient les "guides" de l'époque : le "Discours sur l'Antiquité de Bordeaux … d'E. Vinet et "le Vif Pourtraict de la cité de Bordeaux "d'Antoine du Pinet - qui sera repris par Belleforest et Munster - les dessins du palais Gallien, à la sanguine et à l'encre de chine, de Herman Van Der Hem, publiés dans l'Atlas du cartographe hollandais Joan Blaeu (vers 1640); s'il constatait qu'en un siècle le délabrement du site était allé bon train, il découvrait un amphithéâtre lieu de passage important et de promenade où se croisaient toutes les classes sociales; de cette limite de la ville, au milieu du vignoble, le panorama était agréable à l'est sur Bordeaux et ses murs d'enceinte, et au sud sur la Collégiale St Seurin.

..........Le visiteur n'ignorait pas que la nuit les ruines devenaient une sorte de cour des miracles, propice aux commerces les plus douteux; celui "qui en demande le chemin suscite des sourires complices … ". Duels, prostitution se cachaient derrière les pierres millénaires; de méchantes masures abritaient les filles publiques reléguées en ces lieux par le Parlement de Bordeaux ("le Maire et les Jurats de la Ville de Bordeaux ont été, de tous temps, propriétaires et possesseurs du Palais Galien et de ses dépendances - arrêté du Conseil d'Etat du Roi de 1661 [A.M.Bx DD35]); toute cette partie du faubourg St Seurin était connue pour sa débauche: de l'amphithéâtre au camin deu Putz (du puits) à Naujac ( textes de 1457) qui reliait la rua deu Palay Galien à la rua de la Texaurerie (actuelle rue A.Barraud); le camin deu putz deviendra en 1560 le chemin des petits Puthau, puis la rue de la Putoye avant d'être rebaptisée rue St Fort en 1786, lorsque les habitants en auront chassé les filles galantes.

..........Dans les ruines se pratiquaient, disait-on, des actes de sorcellerie; selon le démonologue De Lancre, le diable serait venu tenir ses assises au carrefour du Palais Gallien, comme l'avoua un sorcier connu qui fut exécuté à mort en 1609.

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