III ème siècle après J-C ----------->
XX ème siècle
.........."Ce qui frappe dans la décoration du monument c'est
le parti qu'on a tiré de la brique pour figurer les moulures et les saillies des
entablements produisant autant d'effets que de reliefs" (De Caumont).
..........Vu de l'extérieur l'amphithéâtre ellipsoïdal présentait à l'origine deux étages de murs à arcades surmontés le long du grand axe d'un attique au-dessus de la corniche de chaque porte monumentale. ..........Mesuré depuis le XVIème siècle par E.Vinet, le Baron de la Bastie, Dom Devienne, Jouannet, C.Jullian, l'amphithéâtre développe approximativement un grand axe de 133 m. et un petit axe de 111 m., l'arène représentant 70 m. sur 47 m. Illustration U : Le castrum de Bordeaux entre l'an 300 et l'an 1100 d'après le plan supposé de Bordeaux sous les Mérovingiens et les Carolingiens, par Camille Jullian. ..........On proposera d'abord au lecteur la description et
l'organisation spatiale de l'arène données par les auteurs anciens, avant d'aborder les
résultats des recherches récentes et des interprétations nouvelles des historiens et
des archéologues.
LES MURAILLES : d'harmonieuses constructions de pierre et de briques mettant en valeur les arcades : ..........En 1737 Bimard de la Bastie décrit l'amphithéâtre "assez semblable à celui de FREJUS, et différent des autres; il est bâti de petites pierres de trois pouces de haut . De trois pieds en trois pieds de haut ce parement est entrecoupé d'un rang de trois grosses briques". IllustrationV: Les ruines du Palais Gallien en 1737. Gravure donnée par le baron de La Bastie...........Les murs (ou enceintes) sont bâtis extérieurement en petites pierres de calcaire de Blaye ayant toutes une hauteur comparable de 10 cm, la longueur variant jusqu'à 35 cm.; les parements de sept rangs de petits moellons sont rythmés tous les 80 cm. environ par des arases de trois couches de briques; la taille des arêtes des petits moellons met en valeur les qualités des tailleurs de pierre du IIème siècle. ..........La disposition alternée des petites pierres et des briques donne une symétrie de rangement qui rend très agréable le coup d'oeil de l'édifice; il faut noter que ce modèle de construction sera repris pour édifier les murs du Castrum (U) et la chapelle St Etienne, sur le champ funéraire de St Seurin ; néanmoins certains ont vu dans l'utilisation des chaînages de briques "l'annonce du temps de la décadence et la fin du grand art romain ". ..........Le haut des arcades largement ouvertes est formé de claveaux épais de 10 cm. alternant avec des carreaux de brique; entre les lits des claveaux l'extrados parallèle de la voûte est toujours rehaussé d'une épaisseur de brique soulignant ainsi une symétrie harmonieuse et marquant toute l'originalité de ce monument du Bas-Empire. ..........Six enceintes concentriques formaient le monument; la
sixième enceinte extérieure, la plus haute (21 m.) et la plus épaisse (environ 1.70 m.)
comprenait 28 à 30 arcades, portes par lesquelles on entrait dans les galeries et les
portiques du rez-de-chaussée; on comptait le même nombre d'arcs aux étages supérieurs,
sauf au-dessus des deux portes monumentales. ..........Les autres enceintes, dont l'épaisseur des murs allait en décroissant vers le podium (de 1.7 m pour l'enceinte extérieure à 0.66m. près de l'arène), étaient découpées par des murs latéraux (qui n'existent plus) en 64 travées, l'ensemble soutenant les rangées de gradins de la cavea ancrés dans les murs par des pièces de bois horizontales (les nombreux trous de ces boulins apparaissent encore dans les murailles à l'intérieur de l'amphithéâtre).
Les ESCALIERS RADIAUX et les GALERIES ANNULAIRES permettaient une circulation aisée et une évacuation rapide du public : ..........Les historiens du XIXème siècle (De Caumont, O'Reilly, Brutails) ont emprunté au Baron de La Bastie la description de l'organisation spatiale de l'amphithéâtre publiée en 1737: trois galeries au rez-de-chaussée entre les enceintes (la troisième, la plus basse, entre les murs trois et quatre) auraient permis la répartition du public entré par les arcades de la façade et cheminant par dix portiques (cinq de chaque côté); la même organisation se retrouvait au premier étage avec deux galeries seulement, la seconde étant plus basse en raison des gradins...........Les escaliers, dont la disposition et l'éclairage restent mal connus, partaient des portiques ou chemins qui permettaient soit de passer d'un étage à l'autre, soit d'atteindre les rangs des sièges des gradins. ..........Les gradins du bas, devant le podium qui s'élevait de quatre ou cinq mètres au-dessus de l'arène, accueillaient les sénateurs, les citoyens les plus illustres de la cité, et les vestales; c'est là que siégeait l'édile qui donnait les jeux gratuits pour le public. ..........Au-dessus, sur les gradins de la media cavea, prenaient place les citoyens libres et tout en haut la summa cavea recevait le peuple. Des parapets intermédiaires sur des gradins plus larges devaient empêcher de passer d'un type de gradins à l'autre. ..........Si les galeries du rez-de-chaussée étaient coupées par des murs perpendiculaires, les deux galeries de l'étage en faisaient tout le tour; entre les galeries et les cheminements, l'espace était aménagé en loges d'environ treize mètres carrés, certaines accessibles par des escaliers au niveau de l'ima cavea, d'autres sans issues qui devaient servir d'entrepôts. ..........C'est l'organisation de l'espace intérieur des arènes telle que la décrivaient les auteurs du XVIII et XIXème siècles. ..........A la suite des recherches entreprises sur le site du Palais Gallien dans les années 1960, les historiens et les archéologues (R. Etienne, M.Finker et al) ont proposé une reconstitution différente de l'espace intérieur de l'amphithéâtre, à partir des indices architecturaux fournis par les fouilles et en comparant l'organisation du Palais Gallien à celle des amphithéâtres de la Narbonnaise. ..........Le Palais Gallien ne possédait pas de galeries extérieures périphériques pour la circulation du public comme dans les amphithéâtres d'Arles ou de Nîmes par exemple; d'une galerie intérieure au rez-de-chaussée, les vomitoires dirigeaient le public de l'entrée jusqu'à l'ima cavea par deux accès; les cages d'escaliers reliaient l'extérieur à l'entresol (qui correspondait à une galerie annulaire située au-dessus de la première galerie du rez-de-chaussée); de là les vomitoires conduisaient à la media cavea au-dessus du troisième mur d'enceinte. A partir de l'entresol une nouvelle série d'escaliers atteignait directement le premier étage puis la summa cavea, entre les quatrième et cinquième murs d'enceinte. ..........L'absence de galerie extérieure est commune aux amphithéâtres géographiquement proches du Palais Gallien : ceux de Saintes et Périgueux antérieurs à la construction bordelaise, et celui de Poitiers (qui fut aussi dénommé "Palais Gallien" ), mais l'alternance de la brique et de la pierre semble être une originalité de la construction des arènes de Burdigala.
Les PORTES MONUMENTALES, un art romain sévérien : ..........Deux portes monumentales se dressaient aux extrémités du grand axe de l'arène, et le Baron de la Bastie au XVIIIème siècle indiquait même dans une reconstitution erronée "que l'on peut simplement conjoncturer qu'il y en avait deux pareilles aux deux extrémités de la largeur" (K),(M),(V)...........Seule la porte Ouest a échappé à la destruction lors de la Révolution de 1789 (X). ..........Ces grandes portes ouvrent sur de larges couloirs où cheminaient vers l'arène les processions des notables précédés ou suivis par les gladiateurs ; de chaque côté de la porte la large travée d'accès à l'arène est flanquée de deux couloirs étroits dont l'usage est précisé par De Caumont: "les portes principales aux extrémités de l'ellipse se trouvaient entre deux portes plus petites, se rendant également dans l'arène; elles ne communiquaient point avec la galerie extérieure, ce qui prouve qu'elles étaient destinées à l'introduction des combattants et des animaux". ..........Les gladiateurs se préparaient aux combats dans les loges sous l'ima cavea: lorsque myrmillons, rétiaires ou bestiaires commençaient les "jeux de l'arène" on fermait l'entrée de celle-ci avec des barrières en bois, les carceres ,dont une fut retrouvée en bon état par l'équipe de recherche du Professeur Etienne, lors des fouilles de 1958 - 1960. ..........Le centre de l'amphithéâtre, l'arène, doit son nom au sable qui faisait disparaître le sang des combats (le sable était parfois teinté en rouge par du cinabre pour cacher les traces des combats sanglants ) ..........L'architecture de ces portes peut être ainsi décrite : au rez-de-chaussée l'arcade (8.8 m. de haut sur 5.85 m. de large) encadrée par des pilastres dont les chapiteaux supportent une sorte d'architrave sur laquelle repose un entablement à l'étage, au-dessus de l'arcade et de la même largeur, deux arcatures aveugles entourées d'une arcature ouverte, de hauteur bien inférieure à celle de la porte du rez-de-chaussée (X),(Y). ..........L'Abbé Patrice - John O'Reilly donne du haut de la façade l'exposé suivant : "Au second étage, il y avait au-dessus de chaque grande porte une grande fenêtre avec deux niches de chaque côté d'une égale grandeur, ayant 5.9 m. de haut 1.3 m. de large; elles étaient décorées de pilastres latéraux qui soutenaient une architrave maçonnée de briques; au-dessus il régnait une corniche ornée de modillons, avec des consoles que le temps a défiguré; un attique couronnait l'édifice". ..........César d'Arcons (cité par le Baron de la Bastie) notait au XVIIème siècle que "des têtes humaines sculptées que le temps a érodé, sortaient hors de l'uvre". ..........Il n'existe aucun nombre au-dessus du centre des arcades comme c'est le cas pour certains monuments romains. ..........Depuis le XVIème siècle les historiens se sont interrogés sur le style de l'architecture des portes monumentales; le Baron de la Bastie voyait un ordre toscan dans le rez-de-chaussée, Bibran y ajoutait un ordre dorique; pour R.Etienne "le dessin de la porte monumentale rappelle les frontes scenae à la mode sous la dynastie africano-orientale (des Sévères)". ..........Pendant longtemps on a pensé que le mode de construction des murs, le style architectural de la dernière porte monumentale permettait de situer l'édification de l'amphithéâtre dans les premières décennies du IIIème siècle; actuellement les archéologues envisageraient un âge plus ancien pour l'unique monument restant du Bas Empire romain.
DE NOS JOURS, QUELQUES MURS ANTIQUES DANS LA VILLE : ..........On a coutume de dire que le ciment des murs du Palais Gallien reste encore aujourd'hui aussi dur que la pierre ; en mille huit cents ans les hommes ont dégradé l'amphithéâtre beaucoup plus vite que le temps...........Hormis les vestiges isolés et conservés autour de la porte Ouest, les autres murs restants ont servi depuis le XIXème siècle d'appui et de mitoyenneté aux constructions des maisons. ..........Les descriptions et l'iconographie indiquent qu'en 1737 il restait des parties importantes des seconde, troisième, quatrième et cinquième enceinte; on apercevait encore le fondement de la première muraille c'est à dire le podium qui entourait l'arène (V) Illustration Y: Le Palais Gallien en 1900 (cartes postales) - la porte du couchant et l'extrémité de la rue du Colisée. ..........Sous la Révolution ne restent plus côté nord que quatre portions de muraille de la quatrième enceinte levée de deux rangs d'arcades et un morceau de la troisième enceinte ennoyé dans les constructions entre la Grande rue du Colisée et la rue Planturable (actuelle rue E. Fourcand) (P) ..........De nos jours les restes des substructures de la quatrième enceinte sont bien visibles au-dessus de la place du Palais Gallien (une hauteur de mur - reste de portique ? - apparaît sur le côté de la première maison à l'entrée de la rue du Colisée), et entre les maisons 18 et 20 de la rue Sansas; la cour de l'immeuble du 7 rue du Colisée est surplombée par deux arches, et un morceau de mur de 2.4 m. de long, 1.9 de haut et 1.18 d'épaisseur est visible dans la cour du 68 de la rue Fondaudège (Z). IllustrationZ: Les restes des ruines dans la ville (la 4ème enceinte de l'amphithéâtre). |